URSULA MEIER Présidente de la Caméra d’Or Cannes 2018
Ursula Meier est une cinéaste qui s’interroge sur la nécessité de filmer. C’est sans doute la raison d’une filmographie resserrée et passionnante, qui compte 5 courts métrages, 2 œuvres pour la télévision, 2 documentaires et 2 longs métrages pour le cinéma. Ils sont autant de coups d’éclat inventifs qui bousculèrent avec fraîcheur et l’imposèrent avec évidence dans le paysage européen. Depuis 1994, Ursula Meier façonne une cinématographie audacieuse qui souligne la complexité du monde.
Admiratrice inconditionnelle de Wanda (Barbara Loden) ou Sweetie (Jane Campion), elle décide de passer à la réalisation après avoir découvert L’Argent (Robert Bresson). Elle devient alors assistante-réalisatrice d’une grande figure du cinéma suisse, Alain Tanner, avec Fourbi (1996). Celle qui se dit fascinée par l’espace du no man’s land y a construit son imaginaire et parvient à toucher des zones enfouies de la nature humaine, en filmant avec tendresse, sans pathos ni jugement, des personnages guidés par un puissant instinct de survie. En 2014, elle a participé au film Les Ponts de Sarajevo, œuvre collective portée par 13 cinéastes européens, présentée à Cannes en Sélection officielle.
Un premier film, c’est le lieu de tous les possibles, de toutes les audaces, de toutes les prises de risques, de toutes les folies.
Ses films pour le cinéma – Home (2008) et L’Enfant d’en haut (2012) qui obtint l’Ours d’Argent à la Berlinale – sont internationalement salués pour leur originalité de regard et d’écriture. Radical et poétique, le premier est une fable à la lumière blafarde et à la photographie chaude. Le deuxième est un conte moderne en forme de chronique familiale sobre et poignante.
« Un premier film, déclare la Présidente nouvellement désignée, c’est le lieu de tous les possibles, de toutes les audaces, de toutes les prises de risques, de toutes les folies. On dit souvent qu’il ne faut pas tout mettre dans un premier film mais c’est tout le contraire, il faut tout mettre dans un premier film, tout, comme il faut tout mettre dans chaque film en gardant au fond de soi, toujours, ce désir originel, vital, brutal, sauvage de la première fois. Quelle immense excitation et quelle immense joie de découvrir tous ces films ! »
Ursula Meier et son jury remettront le prix de la Caméra d’or lors de la soirée de Clôture du Festival de Cannes, le samedi 19 mai. Le film lauréat succèdera à Jeune Femme de Léonor Serraille, présenté en Sélection officielle – Un Certain Regard l’an passé.
Source : communiqué du festival de Cannes
Son portrait : Née à Besançon, mais de nationalité franco-suisse, Ursula Meier suit des études de cinéma en Belgique. Tout en étant l’assistante d’Alain Tanner, elle réalise des premiers courts-métrages, fictions et documentaires. Le succès de ces derniers lui permettent de créer sa propre société de production et de réaliser des longs-métrages qui rencontrent un vrai succès.
Home (2008) avec Isabelle Huppert et Olivier Gourmet est présenté au Festival de Cannes et nommé trois fois aux Césars. Son second long-métrage, L’Enfant d’en haut (2012), obtient la mention spéciale au Festival de Berlin.
Ursula Meier s’est passionnée pour le cinéma suite à la découverte de L’Argent de Robert Bresson. Elle est fascinée par la mise en scène, elle qui a toujours été attirée par le visuel.
Elle raconte avoir toujours eu « du mal » avec les mots et paradoxalement c’est peut-être pour cela qu’elle réalise son premier film sur un écrivain.
En effet, en 1998, à la sortie des études elle est contactée par la biographe de Robert Pinget qui trouve que son film de fin d’études ressemble à l’écriture du romancier suisse. Elle lui propose donc de réaliser un documentaire sur lui, chose qui n’a jamais été faite car Pinget est un homme très secret.
Ursula Meier qui n’a rien lu de lui, se plonge dans ses livres et se sent proche de son écriture.
Ils prennent contact et fixent une date de début de tournage…mais Robert Pinget meurt à cette date précise.
Comment réaliser un film qui a été préalablement pensé en présence de l’auteur ? Ursula Meier décide alors de filmer les personnes qui l’ont connu. Et au fil des entretiens c’est un portrait en creux qui se dessine. Grâce à ce procédé contraint, ce sont les mots qui guident le documentaire et le film devient un véritable hommage au langage.
Plus tard, en 2004, elle réalise deux portraits de photographes suisses, Monique Jacot et Alain de Kalbermatten pour la série Portraits de photographes. Nous analyserons avec elle, son regard de cinéaste sur la littérature et sur la photographie.